Exposition insolite, inédite et la plus importante jamais réalisée à Chambord « Georges Pompidou et l’art : une aventure du regard » est un précipité de l’art français des années 40 à 70 présenté dans un royal écrin Renaissance
En 2017, le château de Chambord s’associe au Centre Pompidou qui célèbre ses 40 ans en proposant dans ses murs une exposition consacrée à Georges Pompidou « Georges Pompidou et l’art : une aventure du regard » ou l’art français des années 40 à 70 via le filtre du regard aussi généreux qu’éclectique de Georges Pompidou.
Une très belle occasion de retrouver ou découvrir Georges Pompidou, l’homme défenseur de « la beauté de notre pays, […] la protection de la nature, […] la sauvegarde d’un milieu humain. », l’amoureux de Chambord, l’esthète « moderne » soucieux de démocratiser la culture, l’homme politique qui s’est judicieusement autorisé d’incroyables innovations et enfin le lettré qui savait que la poésie « […] est ou peut se trouver partout »
Chambord via les petites routes de Sologne
Pour se rendre au château de Chambord, on passe forcément par les petites routes de Sologne et ce, d’où que l’on vienne. Au fur et à mesure que l’on approche, elles se tiennent de plus en plus droites pour traverser respectueusement de royales forêts. Et une fois franchie l’une des cinq portes d’accès au parc du château de Chambord, on ralentit… ici les animaux sont rois.
« […] un itinéraire que l’on emprunte sans se hâter, en en profitant pour voir la France »
Sur ces routes généreusement bordées de verdure on ne peut s’empêcher de penser à celui que nous sommes venus retrouver à Chambord, et à sa farouche « […] volonté de sauvegarder « partout » les arbres » évoquée dans sa lettre à Chaban-Delmas au cours de l’été 1970, il y a 47 ans :
Lettre de Georges Pompidou, Président de la République Française
à Jacques Chaban-Delmas, Premier Ministre en date du 17 juillet 1970
À écouter, lue par Philippe Meyer
Ou à lire dans sa version intégrale : lettre de Pompidou à Chaban-Delmas
Nous continuons « sans nous hâter » et bientôt apparaît la silhouette majestueuse et féerique de Chambord, peut-être la dernière oeuvre de Leonard de Vinci « emblème de la Renaissance française à travers l’Europe et le monde. »
À propos de Georges Pompidou
Avant de gravir les marches de l’escalier à double révolution et découvrir l’exposition au deuxième étage du château, quelques lignes à propos de Georges Pompidou.
Né en 1911 à Montboudif dans le Cantal de parents d’origine modeste, Georges Pompidou sera un élève brillant : classes préparatoires à Toulouse puis khâgne au lycée Louis-le-Grand à Paris. Reçu à l’École normale supérieure en 1931, major de l’agrégation de lettres en 1934 et diplômé de l’École libre des sciences politiques.
(Sa carrière de professeur puis sa carrière politique plus en détail sur Wikipedia).
Le 29 octobre 1935, il épouse Claude Cahour (1912-2007).
N’ayant pas d’enfant, le couple adopte un fils, Alain Pompidou, présent aujourd’hui aussi à Chambord au travers des œuvres qu’il a prêtées.
Georges Pompidou et Chambord
Georges Pompidou aimait Chambord et sa forêt, il y chassa à plusieurs reprises
« Mais l’intérêt du Président Pompidou pour Chambord ne s’est pas limité aux activités cynégétiques; sous sa présidence, à la faveur des crédits accordés, le château s’est enrichi : tapisseries, trophées, mobilier et objets d’art ont rejoint les collections et participé à un essor touristique significatif, qu’il appelait de ses vœux. C’est également Georges Pompidou qui crée, par un décret de décembre 1970, le commissariat du domaine qui instaure une unité de gestion essentielle à son développement, gommant la césure entre le parc et le château en indiquant clairement la double mission cynégétique et culturelle de Chambord. C’est ainsi qu’est inauguré en février 1972 le Musée de la Chasse souhaité par François Sommer, proche de Georges Pompidou, et que les visiteurs bénéficient dès cette année de concerts et d’expositions temporaires dans les murs du château. »
Jean d’Haussonville, Directeur général du domaine national de Chambord
Avant-propos du catalogue de l’exposition Georges Pompidou et l’Art : une aventure du regard, Domaine national de Chambord, 2017, p.7
Georges Pompidou et l’art
Georges Pompidou, un président collectionneur à découvrir au château de Chambord
Odile Morain – Culturebox – Reportage : B. Du Fay / J. Barrere
La collection Pompidou au chateau de Chambord
La genèse
« […] c’est en flânant dans le quartier Saint Michel qu’il va faire sa première acquisition artistique, devenue mythique dans la construction a posteriori du portrait du jeune dandy en amateur d’art : celle de La Femme 100 têtes de Max Ernst, révélatrice d’une sensibilité à l’esthétique surréaliste qui marque l’origine de sa carrière de «regardeur». Il faudra cependant attendre l’après-guerre pour que Georges Pompidou achète la toute première toile de sa collection, une oeuvre de Youla Chapoval, artiste russe de la seconde école de Paris. » *
À Matignon
Premier Ministre, Georges Pompidou va accrocher à Matignon en 1962, derrière son bureau, une toile de Soulages – tout à fait contemporaine puisque de 1957 – en lieu et place d’un portrait de Colbert.
« L’art abstrait n’est pas du tout admis à l’époque par le grand public. On rapporte que sa femme Claude a dit bien plus tard que ce choix à l’époque était une véritable tempête politique car le tableau pétrifiait ses visiteurs » raconte Yannick Mercoyrol.
« C’est un coup de pistolet dans un concert » comme dirait Stendhal *
Le fameux Soulages est exposé à Chambord dans le cadre de l’exposition.
Suivront Staël, Braque et Ernst, les Nouveaux Réalistes : Arman, Raysse, Klein, Niki de Saint-Phalle et Tinguely, Hartung, Tal Coat, Bettencourt et la Nouvelle Figuration : Adami,
Monory, Voss, Arroyo.
À l’Élysée
À l’Élysée en 1969 « C’est alors l’époque, plus médiatisée, du salon Paulin et du salon Agam : la France découvre, parfois avec stupéfaction, l’attrait du couple présidentiel pour une modernité audacieuse […] » *
Georges Pompidou à propos de l’art contemporain :
« Art contemporain, art par essence contradictoire : strict comme les mathématiques ou violemment lyrique, sincère jusqu’à l’impudeur ou insolent dans l’imposture, explosion de couleur et de joie ou négation de tout, de lui-même, il est toujours à l’affût du lendemain. N’est-ce-pas l’image de notre monde ? »
Le Monde du 17 octobre 1972
L’homme qui va inventer le Ministère des affaires culturelles
Georges Pompidou est aussi l’homme qui va inventer le Ministère des affaires culturelles – confié à Malraux – et qui ne se départira jamais de sa volonté de démocratiser la culture.
… inventera aussi Beaubourg
« Il n’y a pas culture sans remise en cause des idées reçues »
Pompidou pensa un lieu consacré à la création moderne et contemporaine quelle qu’elle soit « Je voudrais passionnément que Paris possède un centre culturel […] qui soit à la fois un musée et un centre de création où les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audiovisuelle. » (Le Monde – 1972)
Le Centre Pompidou fête ses 40 ans cette année.
Pour mieux comprendre le contexte dans lequel mûrit ce projet, un documentaire Archives INA – Magazine : Plateau de Beaubourg – JT 13h du 16 oct. 1974 :
Présentation du futur centre Beaubourg, complexe multi-culturel « actuellement en construction à Paris »
Georges Pompidou plaçait la sensibilité aux images au premier rang des nécessités humaines et considérait les arts comme la plus haute expression de l’être humain.
À regarder, le film Georges Pompidou « moderne, absolument moderne »
Réalisé à l’occasion du centenaire de sa naissance, 1911-2011 par Pauline Cathala et Nicolas Valode, le film est conçu à base d’images d’archives sélectionnées dans le fonds de l’Ina et de photos de Georges Pompidou. © Centre Pompidou, Ina, 2011
« Georges Pompidou était avant tout un homme de culture et c’est parce qu’il était un grand homme de culture qu’il a été un grand homme d’état. »
Léopold Sédar Senghor
L’exposition et ses principes d’accrochage
« Ce n’est cependant pas à la figure historique ou politique que s’attachera l’exposition, mais à son engagement pour l’art de son temps »
Yannick Mercoyrol, Directeur de la programmation culturelle du domaine national de Chambord et Commissaire de l’exposition
Au deuxième étage du château sur fond de tuffeau – la bien nommée pierre de lumière – et de voûtes à caissons, Georges Pompidou et l’art : une aventure du regard c’est 65 artistes et 90 œuvres sur 700 m². Chacun pourra y trouver œuvre à son œil tellement l’offre est multiple mais rare aussi, car la plupart n’avaient jamais été à ce jour présentées au public. Des œuvres prêtées par Beaubourg – partenaire de l’exposition qui fête ici et ailleurs en France ses 40 ans – et par des collectionneurs privés tel qu’Alain Pompidou, le fils adoptif du couple présidentiel.
« La plus importante exposition jamais réalisée à Chambord » se félicite Yannick Meyrcoyrol, « […] un rassemblement qui est inédit et qui ne sera probablement plus jamais accessible »
Alberto Rodriguez pour Culture Lib
Dans l’œil de Georges Pompidou
Toutes ces œuvres ont été à un moment ou à un autre « dans l’œil de Georges Pompidou, que ce soit dans sa collection privée ou accrochées à Matignon puis à l’Élysée » *
Et « nous avons tenu à ne présenter que des artistes dont les liens avec Georges Pompidou étaient avérés » *
« […] cette diversité devait, dans l’espace d’exposition, être présentée de manière rationnelle, en suivant des principes esthétiques répondant à des regroupements homogènes, afin de souligner une coexistence, et non un désordre : Pompidou pouvait aimer à la fois des artistes de la nouvelle figuration et des abstraits d’avant-guerre, des cinétiques aussi bien que des nouveaux réalistes, en assumant une subjectivité consciente d’elle-même. L’exposition se développera sur 700 m2 répartissant les œuvres en 5 sections : Maîtres modernes (d’un pastel de Kupka de 1909 à des artistes de l’immédiat après-guerre) ; Abstractions ; Nouveau Réalisme ; Art cinétique ; Figurations. A ces espaces s’ajoutera un cabinet de dessins qui regroupera, en revanche, des artistes et des esthétiques très divers sur un même médium. » *
Yannick Mercoyrol, Commissaire de l’exposition
« Georges Pompidou voulait que les Français entrent dans la modernité grâce à l’Art »
À écouter, le Commissaire de l’exposition, Yannick Mercoyrol INVITÉ DU 5/7 sur France Inter le 22 juin 2017
Abstractions et Maîtres modernes
Abstractions et Maîtres modernes réunis avec la Croissance de Jean Arp, 1938 devant l’immense (307x725cm) Trans-apparence du Verbe de Matta, 1977-1980
Les Nouveaux réalistes
Petit aperçu de la salle des Nouveaux réalistes avec « par ordre d’apparition » dans la vidéo :
- Gérard Deschamps
- Niki de Saint-Phalle
- Martial Raysse
- Yves Klein
- Gérard Deschamps
- Raymond Hains
- Jacques Villeglé
« L’OEUVRE D’ART, C’EST L’ÉPÉE DE L’ARCHANGE ET IL FAUT QU’ELLE
NOUS TRANSPERCE »
Georges Pompidou – 1er septembre 1966
Tableau dans le style français II de Martial Raysse est une oeuvre que Pompidou achètera directement au cours de l’exposition où il la découvre.
Elle rejoindra plus tard les collections du Centre Pompidou par dation : une oeuvre appartenant à Georges Pompidou va se retrouver au centre voulu par lui, selon une loi voulue par lui… La boucle est bouclée.
L’Art cinétique
L’Art cinétique représenté entre autres par Pol BURY, 102 cylindres dans 12 cubes, 1966, bois moteurs électriques, 172x47x30cm
Abstractions
L’exposition est aussi l’occasion de pouvoir contempler trois Nicolas de Staël dans la même salle, celle des Abstraits.
Georges Pompidou dira à propos de Nicolas de Staël : « Je crois que c’était un des peintres que caractérise le mot de pureté » comme on peut l’entendre dans ce reportage Archives INA – Georges et Claude Pompidou visitent la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence le 17 août 1972 où se tient une exposition du peintre Nicolas de Staël.
Et non loin de là un somptueux Zao Wou-Ki en compagnie d’un Hans Hartung.
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* : Yannick Mercoyrol
Directeur de la programmation culturelle du domaine national de Chambord
Commissaire de l’exposition Georges Pompidou et l’art : une aventure du regard
Pour aller plus loin
Assister le 17 novembre à une conférence-lecture
Le 17 novembre, conférence-lecture sur les goûts en matière d’art de Georges et Claude Pompidou donnée par Alain Pompidou et César Armand, journaliste politique.
Informations : 02 54 50 40 20 / culture@chambord.org
Réservations pour la conférence : 02 54 50 50 40 / reservations@chambord.org
Se procurer le catalogue de l’exposition
Le catalogue de l’exposition publié par le domaine national de Chambord, est disponible à la boutique du château durant toute la durée de l’exposition.
Un très bel ouvrage où retrouver toutes les œuvres présentes à Chambord et qui se lit comme un roman.
Lire l’Anthologie de la poésie française de Georges Pompidou
Avant tout littéraire, le normalien Georges Pompidou a commis une Anthologie de la poésie française jugée parfois (trop) classique. Mais il n’est de règle intangible en matière de correspondances entre sensibilités littéraires, musicales ou picturales.
En tout cas un merveilleux livre de chevet, de salon, de jardin, de coin du feu… qui n’a ni début ni fin.
Écouter Georges Pompidou à propos de Baudelaire, homme moderne
« […] Baudelaire […] qui a le premier […] parlé le langage, traduit les préoccupations et la sensibilité de l’homme moderne […] »
Alors premier ministre, Georges Pompidou donne une conférence sur Charles Baudelaire, à Nice en 1967, à l’occasion du centenaire de la mort du poète
Sur France Culture – Archive de l’ORTF – à partir de 04:39
Et bien sûr aller voir ou revoir l’exposition avant le 19 novembre 2017
Georges Pompidou et l’art : une aventure du regard
Exposition du 18 juin au 19 novembre 2017
2e étage du château
Sans supplément au droit d’entrée
Horaires et tarifs
- Visite personnalisée de l’exposition pour le public scolaire.
- Possibilité de visite personnalisée pour les groupes adultes sur demande et sur réservation. Durée : 1h30. A partir de 20 personnes
Informations
02 54 50 40 20
culture@chambord.org
Participer à l’une des 8 visites guidées
Venez découvrir et comprendre l’exposition « Georges Pompidou et l’art, une aventure du regard » en suivant l’une des 8 visites guidées programmées cet automne :
- Dimanche 24 Septembre
- Dimanche 8 octobre
- Dimanche 22 Octobre
- Dimanche 12 Novembre
Durée : 1H30 – Horaires : 11H00 et 14H30
En supplément du droit d’entrée – 6 € par adulte – 4 € par enfant (6-17 ans)
Gratuit pour les enfants de moins de 5 ans
Réservations : 02 54 50 50 40 – reservations@chambord.org
Et Chambord c’est aussi
une balade en bateau sur le Cosson
- des sentiers pédestres et la Grande Promenade
- des observatoires
- des balades en calèche à vélo ou rosalie
- le spectacle de chevaux et de rapaces
- les jardins à la française imaginés sous Louis XIV et totalement restitués en 2017