La Trogne d’où vient son nom
Peut-être ce nom en fait ne vous dit rien. Suivant les régions, ces arbres remarquables se nomment : trognes, têtards (du fait de son aspect qui ressemble à une larve de batracien), trognard (comme en Sologne), ou encore émousses, tétiaux, gueules, truisse, chapoule, et ragosse, cette liste n’est pas exhaustive puisque plus de 100 noms ont été recensés pour les désigner ! Certains les appellent mêmes les « menhirs de bois » tant leur forme est identifiable entre mille. La signification viendrait du Gauois qui signifie museau.
Qu’est-ce qu’une trogne ?
Une trogne est un arbre dont la silhouette est remarquable, identifiable au premier coup d’œil. Le tronc est massif, surmonté d’une grosse « tête », ne dit-on pas drôle de trogne pour parler d’une tête bizarre ou du visage épanoui d‘une personne qui a bien mangé et bien bu ? Sur cette « tête » viennent se développer des branches plus ou moins grosses et plus ou moins longues.
Comment faire une trogne ?
Cette forme caractéristique est le fruit de coupes régulières par étêtage. Pour créer une trogne, il faut donc laisser monter le tronc, puis à 1.50 mètre, 2 mètres, on coupe le bourgeon terminal, celui qui fait monter l’arbre vers le ciel, vers la lumière. Un bouquet de branches voit alors le jour. Puis régulièrement (ou pas), on coupe, on entretient ce bouquet. Le tronc prend donc du volume mais plus de hauteur. Et voilà, au bout de plusieurs années (décennies ou siècles devrais-je dire), nous obtenons une belle trogne ! Les essences (espèces) d’arbres utilisées pour réaliser les têtards sont nombreuses : saule, frêne, charme, chêne, châtaigniers, et plus rarement acacia.
Les trognes sont des arbres à tout faire …
Mais pourquoi donc couper les arbres ainsi me direz-vous ? La raison en est toute simple : c’est suivant les besoins ! Cet aspect arbre « remarquable » permet de les identifier au premier coup d’œil, quoi de mieux pour délimiter un terrain. Ainsi, dans les forêts de Sologne, vous pouvez voir une rangée de trognes partir en forêt, elles servent simplement de bornes, que ce soit tout autour d’une propriété ou pour marquer les coins de celle-ci. Amusez-vous à faire le tour de Center Parcs en Sologne et vous retrouvez aisément les anciens contours des Hauts de Bruyères.
Les trognes servent aux agriculteurs
- Dans le bocage, comme dans la vallée du Cher ou dans le Perche, elles servaient à procurer de l’ombre au bétail et au berger. Suivant l’espèce, comme le châtaigner ou le chêne elle servaient également à procurer de la nourriture aux bêtes, les cochons notamment via les glands et les châtaignes. Celles de frêne, dont l’écorce est riche en éléments minéraux fournis quant à elle un fourrage d’appoint très apprécié des bovins.
- La coupe régulière des rejets sur le haut du tronc fournissaient du bois pour le chauffage la fabrication de charbon ou encore la fabrication d’outil et de piquet.
- Les trognes de saules servaient et servent encore à maintenir les berges des étangs comme en Sologne ou des cours d’eau comme dans le marais Poitevin. Taillées régulièrement, la trogne de saule fournie le bois nécessaire aux objets de vannerie.
- Souvent le tronc se creuse et devient vide. Mais vous le savez, la nature a horreur du vide ! Les feuilles et le bois qui tombe à l’intérieur se dégrade devenant petit à petit une sorte de terreau appelé « le sang de la trogne », celui-ci était récupérer est utilisé comme engrais ou terreau naturel pour réaliser des semis.
Les trognes ont vécu la guerre
Plus récemment, les trous qui se créés naturellement ont servis de caches pendant les deux guerres mondiales. Les historiens et archéologues ont retrouvé dans ces trognards, des armes, des messages, du matériel destiné aux résistants de l’époque. Plus macabre, ceux qui se cachaient dans ces arbres, pour échapper à l’ennemi ont parfois été découvert et fusillés directement dans l’arbre, plusieurs découvertes en ce sens ont été faites en France. Plus légers, les braconniers y laissaient leurs pièges et parfois leurs prises pour échapper aux gardes vigilants.
Les trognes servent aussi aux sorcières
Enfin, ces arbres, ont marqué notre imaginaire collectif. Les trognes sont sources de contes et de légendes variés. On raconte ainsi qu’au pied de certains de ces arbres, les sorcières y tenaient conférences et réunions. Un têtard en forêt de bruandan porterait encore les stigmates des griffes de loups qui poursuivaient un jeune berger ayant trouvé refuge dans cette trogne. Vous comprendrez alors que les trognes sont bien plus qu’une « marque » dans le paysage. Elles sont les témoins de pratiques agricoles, culturelles et historiques anciennes et à ce titre des éléments de notre patrimoine culturel.
la trogne, un véritable HLM
Et pourtant, aujourd’hui, les « têtards » n’intéressent plus grand monde. Elles ont en vérité une grande valeur biologique. C’est un véritable HLM, de passage ou à demeure, toutes sortes d’animaux s’y affèrent de jour comme de nuit. Amusez-vous à bien regarder les trognes de près et vous trouverez des loges de pics, ou des mésanges qui adorent nicher dans ces trous. Les toiles d’araignées et des insectes en tout genre ont ici gîtes et couvert. C’est d’ailleurs le cas bien connu d’un petit scarabée, le pic prune, qui dans ces trognes a fait polémique et à arrêter quelque temps la construction de l’autoroute A28.
- Elles sont le refuge des chouettes hulottes et parfois effraies qui dans les trous naturels trouvent l’emplacement idéal pour se reproduire et élever leur petits. Pour la chouette chevêche, c’est dans certaines régions sont seul habitat, la disparition des trognes entraîne petit à petit la disparition de cette petite chouette.
- Les cavités offrent le gîte aux chauves-souris, aux mustélidés comme la martre, la fouine ou encore d’autres petits mammifères comme le lérot, plus bas, c’est la Salamandre ou le crapaud qui viennent se réfugier.
- Dans le « terreau » accumulé, se développent des plantes, des fleurs, des fougères et parfois même des arbres poussent dans la trogne.
Les trognes sont donc de véritables écosystèmes à elles seuls. Mais elles jouent aussi un rôle important de coupe-vent.
Où voir des trognes ?
En région Centre Val de Loire, les lieux sont nombreux : la vallée du Loir, la vallée du Cher, mais surtout le Perche sont les « zones stratégiques ». Mais vous pouvez aussi en croiser de nombreuses en Sologne, délimitant les routes et propriétés. Avec un peu d’attention et en suivant les petites routes et chemins, vous vous rendrez vite compte que les trognes sont partout.
- Les villages, d’Yvoy le Marron, Montrieux en Sologne, et bien d’autres en sont pleins.
- Surtout, il existe un Centre européen des trognes à Boursay dans le Nord du Loir et Cher dans la Maison botanique. Celle-ci a érigé le « chemin des trognes », une visite à faire en famille.
La trogne un arbre pour jouer en famille !
Ces arbres sont autant de sources de jeux et d’émerveillement. Au cours d’une balade, vous pouvez vous amusez à dessiner les têtards, leur donner un nom en fonction de leur forme ou de ce qu’elle inspire. Vous pouvez jouer à cache-cache ou faire une cabane. Vous pouvez organiser un concours de celui qui trouvera le plus d’espèces ou de traces et indices laissées par les animaux. En vous promenant essayez de faire le tour de l’arbre, vous verrez ces arbres et leurs troncs sont impressionnant, j’en connais un dont le tronc nécessite 15 enfants pour en faire le tour ! A vous de jouer !
Merci beaucoup pour ce commentaire qui m’a beaucoup plus, j’adore les arbres et comme je suis peintre amateur j’en dessine souvent, mais les trognes m’intéresse de par leur forme, leur endroit ou elles poussent, car la nature fait bien les choses et nous devons la protéger au maximum, pour un tableau, je vais m’inspirer d’une trogne vue dans votre article
Bonjour et merci pour vos encouragements.